L’expérience Mont Katahdin

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📸 : @charly.d.adventure

Baxter State Park … Maudit que j’en rêvais depuis des lustres!

Je m’imaginais gravir les quelques 40 sommets de cette magnifique chaine de montagnes qui domine le Maine du haut de ses 1 606 mètres d’altitude. Baptisé Mont Katahdin par le peuple Pentagouets, c’est ici que l’Appalachian trail termine tranquillement son voyage vers la côte est Nord-américaine. Un sentier de 3 510 km qui fait rêver, emprunté par des centaines de randonneurs chaque année en partance de la Géorgie. Nous allions rencontrer deux d’entre eux lors de notre ascension. Il y a des rencontres qui attisent encore plus votre soif d’aventure, n’est-ce pas ?

📸 : @charly.d.adventure

Il y a deux ans à peine, je t’aurais dit que je pouvais courir tous ces sommets en temps de le dire. Sans souffler, sans peiner, mon gros sac à dos de 60 litres sur le dos. Mais cet automne 2022, je regarde ces pics rocheux d’un air confus à mi-chemin entre la fébrilité et l’excitation, me sentant vulnérable comme jamais. Mes yeux sont remplis d’émotions devant tant de beauté et de grandeur. Ces dernières se mêlent à la réalité d’une guide d’aventure amoureuse des longues expéditions, prise sous le joug d’un diagnostic médical récent : celui de la spondylarthrite ankylosante, une maladie auto-immune qui détériore insidieusement la colonne vertébrale, certains muscles, tendons et articulations.

Il y a peu de temps, ma capacité d’athlète me permettait absolument tout. Aujourd’hui, j’ai du mal à marcher sans traitement. Est-ce la fin des explorations et des folles aventures ? Bien sûr que non ! J’ai des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vus en les pourchassant. Mais je dois m’adapter, oublier la performance, avec patience et résilience. Me concentrer sur le beau. Et à Baxter State Park, ce n’est pas ça qui manque !

📸 : @charly.d.adventure

Vivre le Katahdin sur un coup de tête, c’est aussi apprendre que les campements proches du sentier visé sont complets depuis des semaines. Nous campons alors sur le site de Nesowadnehunk Field Campground, à environ 35 minutes du départ de l’Abol trail. Chaque sommet qui se dessine devant moi m’émerveille. La nature environnante est à la fois douce et sauvage. Les lièvres s’invitent à notre souper et les étoiles illuminent un ciel immaculé.

Le lendemain, réveil à 5 h 00 du matin. Devant nous s’élance une ascension de 1 400 mètres de dénivelé, pour un parcours de 18 km à réaliser en 8 à 12 heures… Si je réussis à me rendre au bout. Plusieurs options s’offrent à nous : en choisissant le départ à Roaring Brook, la boucle nous aurait fait passer le Hamlin Peak à 1 220 mètres, qui fait suite au Mont Katahdin, et qui fait partie du défi des 115 sommets de 4 000 pieds et plus du nord-est des États-Unis (NE 115). À travers la Cathedral trail, sentier ardu jusqu’au célèbre Knife Edge et sa ligne de crête aussi fascinante que dangereuse, nous nous serions rendus au Pamola peak pour redescendre par la Helon Taylor trail. Un parcours prisé par tous ceux qui ont vécu les Katahdin avant nous.

📸 : @charly.d.adventure

Mais ce matin, mon défi à moi est grand ! Nous décidons alors d’emprunter un chemin différent : celui de la résilience bien heureuse d’un aller au retour improvisé. Nous entamons l’ascension à partir de l’Abol Trail. Au talon de mon amoureux, je galope à travers cette forêt emprunte de magie. L’odeur est délectable. Lorsque la pente se corse, je regarde mon partenaire d’aventure qui me soutient comme jamais et je garde ma soif d’aventure en ligne de mire, coûte que coûte. Je me dis simplement : OK… je me rends jusqu’où c’est possible. Je prends ce que mon corps est capable de me donner en cet instant précis et je garde le sourire, je suis reconnaissante d’être là aujourd’hui. Tout le monde n’a pas cette chance et dans quelque temps, je retrouverai mes capacités.

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L’ascension du Baxter Peak est sublime, quasi mystique enveloppé par cette brume. C’est un défi physique rempli d’adrénaline et majestueusement puissant. Mais c’est douloureux … Surtout dans ma tête. Je chasse les pensées négatives qui accompagnent la douleur pour la remplir de beauté et de félicité lorsque nous nous retrouvons au pied de la dernière montée. Celle qui nous sépare de la ligne de crêtes tant attendue. Une vraie face de singe qui surplombe un paysage à couper le souffle. La brume monte et le ciel menace de nous tomber sur la tête. Le vent souffle à 70 km/h. C’est complètement dingue. La ranger nous avait prévenus de redoubler de prudence là-haut. En effet, les rafales nous ébranlent sur ces escaliers de géants pendant que les roches roulent sous nos pieds quelque peu instables. Quelle puissance a cette nature imprenable ! Il faut le vivre pour la ressentir et capter son âme.

« Je vais m’arrêter là pour cette fois, à deux pas du sommet… », lançais-je à mon amoureux.

« Mon corps est meurtri, mais il est heureux de voir ce que j’ai sous les yeux! »

Le sommet s’est enveloppé de ce voile opaque qui ne laisse aucun espoir de voir à plus de 5 mètres. Je me laisse imprégner par le spectacle qui m’est offert, avant de redescendre par cette même pente abrupte qui demande tout notre focus. La récompense est là. La connexion avec notre environnement fortifie mon âme autant qu’elle l’apaise.

📸 : @charly.d.adventure

Même si mon esprit est monté un peu plus haut que mes pieds, foulant cette crête rocheuse bordée de précipices déconcertants, je suis pleine de gratitude. Cette maladie me permet de voir avec des yeux nouveaux. De ressentir avec un cœur plus grand. D’aborder la vie par un chemin différent menant aux mêmes aspirations, aux mêmes folies, mais sous le rythme du voyage lent. Tout est impermanence. La maladie, la douleur, comme ces écosystèmes imprenables en constante évolution, qui se transforment au gré du vent, au gré des ruissèlements et du passage des êtres vivants. Dans quelque temps, je reviendrai ici en pleine forme et je gravirai ce que je n’ai pas gravi aujourd’hui. Je vivrai ces montagnes encore plus intensément en autonomie complète en gardant le rythme que la montagne me dictera… Celui de la contemplation du moment présent et l’adaptation aux conditions changeantes.

Aujourd’hui, je réalise que chaque étape de la vie mène à de nouvelles quêtes et à des chemins de traverse qui mèneront à la réalisation de nos plus grandes passions, d’une manière bien différente de celles qu’on peut se fixer. J’apprends à être flexible et me féliciter chaque jour de mes progrès et de mes accomplissements, sans me comparer à autrui, car après tout …

À CHACUN SON EVEREST! 🙂

Infos pratiques

  • Lieu : Baxter State Park, Maine, USA
  • Réservation de votre séjour sur baxterstatepark.org plusieurs semaines à l’avance. Le parc restreint le nombre de visiteurs dans le but de protéger les écosystèmes des impacts.
  • Trois points de départ pour gravir le mont Katahdin : le fameux Knife Edge (le plus ardu et le plus populaire qui s’emprunte à partir du camping Roaring Brook) ; la Hunt trail à partir du Katahdin Stream Campground et la Abol trail à partir du camping du même nom. Notez que la Dudley trail est fermée indéfiniment.
  • Si vous décidez d’entreprendre le sentier par le Knife Edge, informez-vous sur les prévisions météorologiques avant de partir. C’est un sentier incertain dont les erreurs peuvent coûter cher. Les conditions changent rapidement!
  • Si vous campez sur un autre site du parc : soyez au point de départ de votre sentier avant 6 h 30 du matin, pour garantir votre place de stationnement lors de la haute saison. Si vous dormez à l’extérieur, veuillez réserver votre stationnement au préalable et être à 5 h 00 du matin à la guérite pour attendre l’ouverture du parc.
  • Tarifs en vigueur en saison estivale 2022 : 16 $ US l’entrée par personne + 34 $ US / nuit pour un site de tente ou un Lean-to. Si vous souhaitez faire du backcountry, comptez 22 $ US / nuit. Procurez-vous la carte complète hydrofuge au quartier général du Baxter State Park à Millinocket, au prix de 9,95 $ US.
  • Au sein du parc, il est possible de réaliser une autonomie complète de plusieurs jours et aussi d’apprécier les lacs et rivières en canot. Ce milieu protégé recèle une faune et une flore riche et précieuse, mais c’est surtout un milieu sauvage à respecter. La sécurité et la précaution sont donc de mise. Soyez vigilant, tout en appréciant chaque instant.
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CHARLY

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